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Question écrite à Monsieur le Ministre de l’Agriculture

I.- L’article L.411-59 alinéa 3 du Code Rural -applicable à la cession de bail- stipule :
« Le bénéficiaire de la reprise doit justifier par tous moyens qu’il satisfait aux obligations qui lui incombent en application des deux alinéas précédents et qu’il répond aux conditions de capacité ou d’expérience professionnelle mentionnées aux articles L.331-2 à L.331-5 ou qu’il a bénéficié d’une autorisation d’exploiter en application de ces dispositions ».

L’article R 331-2 du Code Rural quant à lui :
« I. Satisfait aux conditions de capacité ou d’expérience professionnelle mentionnées au 3° du I de l’article L.331-2 le candidat à l’installation, à l’agrandissement ou à la réunion d’exploitations agricoles qui justifie, à la date de l’opération :
1°- Soit de la possession d’un des diplômes…
2°- Soit de cinq ans minimum d’expérience professionnelle acquise sur une surface égale au tiers de la surface agricole utile régionale moyenne, en qualité d’exploitant, d’aide familial, d’associé exploitant, de salarié d’exploitation agricole ou de collaborateur d’exploitation agricole…. »


II.- Or, il résulte du cumul des dispositions suivantes :

- Alinéa 7 de l’article L.411-58 du Code Rural, tel qu’issu de la loi du 13 octobre 2014 :
« Lorsque les terres sont destinées à être exploitées dès leur reprise dans le cadre d’une société et si l’opération est soumise à autorisation, celle-ci doit être obtenue par la société. »

Toutefois, les D.D.T., validées sans réfléchir plus avant par les juridictions, font une application erronée de ce texte :
Alors qu’elles devraient analyser l’opération, soumise ou non à contrôle, du fait du bénéficiaire de la reprise ou de la cession, elles le font du point de vue de la société.

Ainsi :
« Dès lors qu’il est établi que la société qui met en valeur les terres mises à sa disposition par le preneur est titulaire d’une autorisation d’exploiter, le candidat à la cession, membre de cette société, n’est pas tenu de justifier qu’il est lui-même personnellement détenteur d’une autorisation administrative, de sorte que la cession du bail par le preneur au profit de son fils doit être autorisée sans condition ». A titre d’exemple, Cassation Civile- 3ème - 27 mai 2009 n°8-14.982, 13 mai 2009 n°08-16.619 et 09 avril 2014 - 13-10.562.

Il en résulte que toutes les cessions de bail ou les reprises effectuées par les associés qui ne modifient pas la situation de la société échappent à tout contrôle.
Cependant, la lettre du texte implique simplement que l’autorisation soit accordée au nom de la société pas que la nécessité d’une autorisation soit examinée sur sa situation, ce qui impliquerait que soient seules soumises à contrôle les opérations qui affectent la société elle-même. Ce qui priverait le texte de tout signification.

- Le bénéficiaire de la cession qui est titulaire d’une autorisation d’exploiter n’est pas tenu de justifier de sa compétence.
A titre d’exemple, Cassation Civile 3ème - 1er octobre 2008 n°07-17.242.


Il n’existe dès lors plus aucun contrôle sur l’aptitude et les conditions d‘exploitation du candidat à la cession.

I.3°- En effet, lorsque la société a obtenu une autorisation d’exploiter à laquelle le bailleur ne s’est pas opposé, il se retrouve quelques années plus tard avec un nouvel exploitant sans avoir la moindre possibilité de contestation.

L’autorisation d’exploiter et la compétence lui sont acquises de fait.

L’application conjointe de ces dispositions et leur mauvaise interprétation aboutissent à priver totalement le bailleur des dispositions de l’article L.411-35 du Code Rural qui sont pourtant d’ordre public.

Cet isolement du bailleur est conforté par le fait que le relevé M.S.A. est également établi au nom de la société et que personne n’est avisé quand un transfert de surface a lieu dans le cadre d’une même société.

La compétence des candidats à la cession se trouve donc validée dans le cadre d’une autorisation d’exploiter accordée, parfois des années auparavant, à une société dans laquelle ils n’ont éventuellement jamais travaillé !

L’Union Bourguignonne des Propriétaires Fonciers vous demande quelle réponse vous entendez apporter à cette confusion qui occasionne de graves préjudices aux bailleurs.